G.W.F HEGEL (1770 - 1831)
Éléments de biographie
En se proposant de construire un
système complet du savoir, Hegel s'affirme comme un penseur
encyclopédique. Paradoxalement, ce système, qui se veut exhaustif et
objectif, a suscité les philosophies et les interprétations les plus
diverses : Hegel est ainsi lu tour à tour comme un athée, un
théologien, un penseur tragique, un rationaliste absolu. Il a tout dit,
mais tout n'est pas dit sur lui, et Hegel garde tout son mystère.
L'homme est né à Stuttgart en 1770. Fils d'un modeste fonctionnaire, il
fait de bonnes études qui le familiarisent avec l' «Aufklärung», le
courant des Lumières en Allemagne. Au séminaire de Tübingen, il a pour
condisciples Schelling et Hölderlin, avec qui il se passionne pour la
Révolution française. Après avoir été précepteur, il obtient en 1804 un
poste de professeur à Iéna. S'ouvre alors une période féconde de grands
ouvrages : la Phénoménologie de l'esprit paraît en 1807 ; en 1809, il compose la Science de la logique ; en 1817, il publie son ouvrage le plus systématique : Précis d'encyclopédie des sciences philosophiques.
Il est alors nommé à l'université de Berlin, où sa gloire atteint son
apogée. C'est là qu'ont lieu ses célèbres cours sur l'Histoire, le
droit, l'esthétique ou la philosophie de la religion, thèmes qui
parcourent le système hégélien dans toute son ampleur. Reconnu par
tous, il est recteur de l'Université pendant un an avant de mourir, en
1831, victime d'une épidémie de choléra.
Le système hégélien
La philosophie de Hegel porte la
marque du romantisme dans son désir de retrouver l'absolu, celui-là
même dont Kant a délimité les conditions de connaissance. Mais la
réalisation de ce désir n'est ni une coïncidence, ni une fusion
romantique avec l'absolu : le vrai ne se donne pas d'emblée, il se
conquiert et se développe. Certes, l'absolu n'est pas ailleurs, dérobé
à notre saisie ; il est déjà là en tant que Sujet. Mais, pour
l'appréhender, il faut attendre qu'il déploie toutes ses
déterminations. C'est pourquoi seule une pensée totalisante, qui
parcourt toutes les dimensions du réel, peut atteindre le vrai. Il y a
une rationalité immanente au réel, qui conduit Hegel à affirmer qu'être
rationnel et être réel sont deux propositions réversibles. C'est grâce
à cette réversibilité, dite "dialectique", que nous pouvons comprendre
la pleine détermination du concept. Mais cette détermination que nous
pouvons également appeler vérité ne peut être atteinte en un seul et
même temps : elle ne se donne qu'au terme du cheminement de la raison
et du déploiement corrélatif de toutes les formes de la réalité, depuis
la nature jusqu'au monde de l'esprit. L'identité profonde du réel et du
rationnel est une intuition qui se montre et s'illustre dans le
déploiement des faits concrets. C'est pourquoi la logique forme le cœur
de son système.
La Science de la logique
déroule sous nos yeux la vie du concept, le mouvement intime par lequel
une détermination logique abstraite se découvre identique à son
contraire, ce qui la conduit à une détermination plus complexe et plus
riche.
Hegel isole ici le rôle moteur de la contradiction, dont il montre
ensuite l'action sous des formes plus concrètes au cœur de toute
réalité naturelle et historique. La contradiction n'est pas une
opposition statique qui bloque la pensée. Elle est un processus
"dialectique" au cours duquel une détermination spéculative s'oppose à
elle-même pour ensuite dépasser cette opposition et se transformer en
une figure, plus riche et plus profonde. Or, ce processus est non
seulement celui de la pensée qui ne se développe qu'en s'opposant à
elle-même pour surmonter ses contradictions, mais également celui du
réel, qui n'est pas un tout statique, mais une vie qui se déploie en se
niant, et en dépassant ses formes les plus immédiates.
Ainsi, la dialectique, mue par la contradiction, noue réel et
rationnel, tout en étant leur dynamisme commun. Elle est la structure
fondamentale qui sous-tend toutes les analyses de tel ou tel domaine de
la réalité et de la pensée. Et c'est en montrant la dialectique à
l'œuvre dans la logique, dans la philosophie de la nature, et dans la
philosophie de l'Esprit, que Hegel déduit le processus ontologique
fondamental : le parcours au cours duquel l'Esprit réalise toutes ses
déterminations, de la plus extérieure à la plus profonde.
À la fin de l'analyse, le réel s'identifie au rationnel parce que le
processus du réel s'identifie à la vie de l'Esprit, lequel, inconscient
de lui-même et extériorisé dans la nature, nie cette immédiateté
naturelle pour s'approfondir comme sujet de l'Histoire, dans la
politique, le droit, l'art, la religion et la philosophie. En niant et
en dépassant cette contradiction, ces figures de l'esprit se transforme
en une détermination plus riche et plus complexe.
Le système hégélien peut se lire comme une biographie métaphysique de
l'Idée ou du Concept, qui, inconscient de lui-même et extériorisé dans
la nature, sorte de pensée dormante, nie cette immédiateté naturelle
pour s'approfondir et se révéler comme sujet de l'histoire humaine sous
toutes ses formes culturelles.
Cette histoire culmine dans l'État, où l'Esprit se donne une structure
concrète apte à réaliser pleinement sa liberté : l'État est la raison
qui se concrétise dans une communauté humaine et rationnelle. Enfin,
dans l'État, la cime de la liberté de l'Esprit s'atteint dans la
philosophie, historiquement présente grâce à l'institution
universitaire, où la raison se couronne elle-même. La philosophie
récapitule ainsi la totalité du savoir et du réel ; elle reprend en
elle-même l'histoire universelle en la faisant passer dans l'élément de
la pensée.
Cette philosophie qui ne laisse rien hors d'elle-même, c'est, bien sûr,
la philosophie hégélienne. C'est pourquoi, selon Hegel, l'Histoire
prend fin avec sa propre époque : le développement dialectique, tel
qu'il le décrit dans les structures étatiques, dans l'art, la religion,
la philosophie, trouve son achèvement et sa perfection dans l'époque,
le pays, et l'œuvre de Hegel. L'Histoire, après lui, aura charge
d'améliorer ou de compléter le système, mais non d'apporter des
principes nouveaux. En cela, Hegel est un philosophe qui propose une
fin à l'horizon de l'Histoire. Il demeure une référence permanente pour
les penseurs ultérieurs, surtout dans la réflexion politique. La pensée
post-hégélienne se construit et se comprend à partir de réactions
diverses et souvent violentes à l'hégélianisme.
Principales œuvres
- La Phénoménologie de l'Esprit (1807)
- Propédeutique philosophique (1809-1816 Notes de cours pour l'enseignement de la philosophie au secondaire)
- La Science de la logique (1812-1816)
- Principes de la philosophie du Droit (1821)
- Esthétique (Posthume)
- Leçons sur la philosophie de la religion (Posthume)
- Leçons sur la philosophie de l'histoire (Posthume)
Source: ac-grenoble/Philosophie