Sur la méthode en philosophie
Règles pour la direction de l'esprit: Ce texte de jeunesse de Descartes envisage pour la première fois une théorie de la méthode.
RÈGLE I
Le
but des études doit être de diriger l'esprit pour qu'il porte des
jugements solides et vrais sur tout ce qui se présente à lui.
RÈGLE II
Il ne faut s'occuper que des objets dont notre esprit paraît capable d'acquérir une connaissance certaine et indubitable.
RÈGLE III
Sur
les objets proposés à notre étude il faut chercher, non ce que d'autres
ont pensé ou ce que nous-mêmes nous conjecturons, mais ce dont nous
pouvons avoir l'intuition claire et évidente ou ce que nous pouvons
déduire avec certitude: car ce n'est pas autrement que la science
s'acquiert.
RÈGLE IV
La méthode est nécessaire pour la recherche de la vérité.
RÈGLE V
Toute la méthode consiste dans l'ordre et la disposition des choses
vers lesquelles il faut tourner le regard de l'esprit, pour découvrir
quelque vérité. Or nous la suivrons exactement, si nous ramenons
graduellement les propositions compliquées et obscures aux plus
simples, et si ensuite, partant de l'intuition des plus simples, nous
essayons de nous élever par les mêmes degrés à la connaissance de
toutes les autres (Notez
l'influence des mathématiques dans la formulation de la méthode avec
l'idée que l'intuition de vérité ne peut s'exercer que sur des choses
simples)
RÈGLE VI
Pour distinguer
les choses les plus simples de celles qui sont compliquées et pour les
chercher avec ordre, il faut, dans chaque série de choses où nous avons
déduit directement quelques vérités d'autres vérités, voir quelle est
la chose la plus simple, et comment toutes les autres en sont plus, ou
moins, ou également éloignées.
RÈGLE XII
Enfin il faut se servir de
tous les secours qu'on peut tirer de l'entendement, de l'imagination,
des sens et de la mémoire, soit pour avoir l'intuition distincte des
propositions simples, soit pour bien comparer les choses qu'on cherche
avec celles qu'on connaît, afin de les découvrir, soit pour trouver les
choses qui doivent être comparées entre elles, de telle sorte qu'on
n'oublie aucun des moyens qui sont au pouvoir de l'homme (Remarquez
que cette règle XII stipule que le corps, à travers l'imagination et
les sens a son rôle à jouer dans la connaissance, même si l'entendement
garde une position dominante).
RÈGLE XIII
Si
nous comprenons parfaitement une question, il faut l'abstraire de tout
concept superflu, la simplifier le plus possible, et la diviser au
moyen de l'énumération en des parties aussi petites que possibles.
Discours de la méthode, 2ème partie
Ainsi,
au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée,
je crus que j'aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse
une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à
les observer.
Le premier (règle d'évidence) était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention;
et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se
présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je
n'eusse aucune occasion de le mettre en doute.
Le second (règle d'analyse),
de diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de
parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux
résoudre.
Le troisième (règle d'ordre),
de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les
plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu,
comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés ; et
supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point
naturellement les uns les autres.
Et le dernier (règle de dénombrement) de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre.
Ces
longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les
géomètres ont coutume de se servir, pour parvenir à leurs plus
difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion de m'imaginer que
toutes les choses, qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes,
s'entre-suivent en même façon et que, pourvu seulement qu'on
s'abstienne d'en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu'on
garde toujours l'ordre qu'il faut pour les déduire les unes des autres,
il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne,
ni de si cachées qu'on ne découvre.
Source du texte: http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie